A l’ombre de la couleur
Marc Monsallier

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 L’Usine ne fait pas les nuages est l’exposition de décembre 2013, qui a marqué le parcours de Massinissa Selmani. Il présentait pour la première fois à la Galerie Talmart la série A-t-on besoin des ombres pour se souvenir ? dont six dessins se trouvent aujourd’hui dans la collection du Centre Pompidou.

Si, généralement, dans l’œuvre de Massinissa, le texte éclaire sur sa démarche, les deux titres déjà cités en témoignent, le recours à la couleur a été nouveau dans la série des Ombres et est venu participer à la mise en scène de l’absurde. Alors que son usage n’était pas naturel au départ dans la main de l’artiste, le tapis rouge derrière un bus de réfugiés ou le chien bleu devant un mur opaque ont organisé l’espace, orienté le regard et renforcé l’absurdité qui s’est confirmée dans les dessins suivants.

La couleur a ouvert un champ poétique, dans le choix du ton et du motif. Elle a aussi accentué l’humour critique contenu dans les dessins, dans lesquels les scènes d’hommes politiques en chaussettes, tenant un ruban vert pour inaugurer  un tarmac désert, ou de personnages qui regardent dans la direction où rien ne se passe, sont des narrations faisant souvent écho à une culture littéraire et cinématographique personnelle riche.

Quand on lit la description du garçon de café par l’écrivain algérien Chawki Amari, extrait du roman L’Ane mort, on ne doute pas que l’ouvrage se trouve en bonne place dans la bibliothèque de Massinissa Selmani. Le choix de l’espace, le non-sens, la tragi-comédie, se concentrent en une couleur commune à l’auteur et à l’artiste :

« Le serveur, lourd comme un soleil mort ou une étoile naine en fin de cycle, est debout dans la position de la stèle commémorative en l’honneur des millions de gens qui sont morts de soif dans un café en attendant leur consommation. »

La dialectique de l’ombre et du soleil prend une forme légère dans ce dialogue, où l’artiste pose une question existentielle non sans absurdité et où l’auteur fait mourir des clients assoiffés devant un soleil mort… Le salut, sans doute, se trouve dans le sourire.